Biographie de Saint Philippe Néri

Saint Philippe Neri est né le 21 juillet 1515 (même année que Thérèse d’Avila) à Florence.

Jeunesse à Florence

Sa mère est morte quand il avait 5 ans. Il a deux sœurs. Son père se remarie et sa belle-mère est très bonne pour lui. Lui-même est d’un caractère enjoué, facile. On l’appelle déjà dans sa jeunesse « Pippo Buono » (le bon petit Philippe). Son père, notaire, perd sa fortune dans sa passion pour l’alchimie !

Philippe est attiré par le couvent San Marco des Dominicains de Florence.

Deux personnages liés à ce couvent vont le marquer :

-la peinture et la personnalité du peintre dominicain Fra Angelico, avec ses merveilleuses fresques si douces et si lumineuses.

-le controversé dominicain Savonarole, brûlé comme hérétique quelques années plus tôt. Philippe a aimé ses appels à la conversion, sa radicalité, son ascèse, son désir d’un retour à une église pauvre…mais il ne partagera pas sa désobéissance orgueilleuse et son implication politique.

Le thème de la conversion restera présent chez Philippe mais de façon douce, optimiste, humaine.

De son origine florentine, Philippe a gardé aussi un tempérament « festif » …La « festivita » fait partie de la vie florentine, la bonne humeur , la cordialité, les facéties…Le livre de blagues préféré de Philippe restera toute sa vie celui  de Piovano Arlotto, un prêtre  florentin du siècle précédent, connu, comme le sera Philippe, pour ses plaisanteries…

Vers 17-18 ans, il quitte sa famille de Florence pour toujours. Il ne reviendra jamais à Florence.

San Germano

Il quitte sa famille au départ pour des raisons financières : comme son père est ruiné, il s’offre à lui l’opportunité d’être pris en apprentissage chez oncle riche commerçant de tissus, qui n’a pas d’enfant et voudrait en faire son héritier. L’oncle habite à San Germano, entre Rome et Naples, pas loin du Mont Cassin, premier monastère bénédictin fondé par saint Benoît.

Là, en fréquentant cette abbaye, il découvre la lecture des Pères du désert et la prière liturgique.

Il va aussi parfois prier seul dans une grotte au bord de la mer à Gaeta et prend goût à la vie et la prière solitaire. Il comprend bien vite que sa vocation n’est pas de devenir commerçant de draps aux côtés de son oncle. Son expérience d’apprenti-commerçant ne sera pourtant pas vaine car plus tard à Rome, il se liera facilement d’amitié avec les commerçants, visitera les boutiques …

Après quelques mois, il décide donc de quitter son oncle et d’aller à Rome.

Vie laïque à Rome

Arrivé à Rome en 1532 ou 33, il trouve un logement chez un douanier florentin, qui lui loue une petite chambrette, en échange du service d’être précepteur de ses deux fils. Il reçoit aussi chaque jour un petit sac de farine et quelques olives pour sa nourriture. Toute sa vie, il se contentera de ce régime frugal…

La première période de sa vie à Rome, laïc, logeant chez le douanier, est très libre.

Il étudie un peu de théologie et de philosophie en élève libre à l’université Sapienza mais il est davantage absorbé par le Crucifix de la salle de classe que par le cours… Pourtant, il aime lire et s’instruire. Son vêtement est un vêtement typique de vagabond : une tunique avec un grand capuchon dans lequel il met son petit pain du jour et un livre. Il aime les Pères du désert surtout…

Il vagabonde donc pendant ses journées : il va sur les places, dans les boutiques, les banques, se mêle à la foule un peu partout et exerce un apostolat de proximité, parlant amicalement avec tous, sans faire de grands prêches, comme le font certains prêcheurs de rue à l’époque… Il éveille les consciences, suggère habilement sans rien imposer, tout se fait dans la douceur, l’amitié, les plaisanteries aussi…

Parfois, il ne rentre pas à sa chambre chez le douanier pour dormir mais dort sous le porche d’une église. Il aime aller d’une église à l’autre, faisant une sorte de pèlerinage…Plus tard, il entraînera de nombreux jeunes et foules dans ces « pèlerinages aux 7 églises » …

La nuit, il aime aussi beaucoup aller prier seul dans les catacombes de saint Sébastien, galeries où on peut très bien se perdre …mais il aime prier en compagnie des restes des martyrs des premiers siècles… Il mène ainsi une « double vie » : vagabond évangélisateur le jour, et ermite la nuit…

En 1544, dans ces catacombes, il vit une expérience mystique forte. Il n’aimait pas en parler mais vers la fin de sa vie, il s’est confié quelques-uns de ses proches disciples…

La veille de la Pentecôte, alors qu’il priait l’Esprit-Saint, une boule de feu lui entre par la bouche et se loge dans sa poitrine. Son cœur est brûlé, littéralement et spirituellement.

Son cœur (l’organe physique) grossit au point de briser et de faire s’écarter des côtes. Depuis ce jour, une chaleur lui habite le corps, au point qu’il a toujours besoin d’ouvrir son col, il aura même une dérogation spéciale pour garder son col ouvert. Et il n’aura jamais froid même l’hiver quand il gèle. Son cœur est pris de palpitations si puissantes que tout tremble autour de lui dès qu’il vit quelque chose d’un peu fort spirituellement : l’eucharistie, l’oraison, même parfois la simple pensée de Dieu… Mais tous ces phénomènes physiques sont le signe d’un Amour ardent, de la « possession » par l’Esprit-Saint, qui le brûle sans cesse intérieurement.

A ses vagabondages, il va ajouter des visites aux malades dans des hôpitaux. A l’époque, les hôpitaux sont seulement des endroits où les malades sont entassés, sans aucun soin ni hygiène… La contagion y est donc catastrophique !

Pour soutenir les hôpitaux et les pauvres, il existe à l’époque des « confréries ».

Philippe va se rapprocher de la confrérie de la Charité, au service de toutes sorties de pauvres, malades, orphelins, veuves… Cette confrérie a son siège dans un ancien couvent de franciscains, l’église et le couvent San Girolamo (saint Jérôme)

Là, à San Girolamo, il y a des prêtres sans liens les uns avec les autres, qui logent sur place et assurent à tour de rôle les services liturgiques : messes et confessions. Chacun a sa propre spiritualité et son groupuscule de fidèles pénitents…

Philippe va y faire la connaissance de deux personnages qui exerceront une grande influence sur lui : Buonsignore Cacciaguerra et Persiano Rosa.

Le premier est un original. Un riche napolitain converti, qui a mené auparavant une vie de débauche et d’escroquerie, et qui maintenant est aussi passionné dans le bien qu’il l’a été dans le mal. Il fréquente aussi les hôpitaux comme Philippe. Le petit cercle de Buonsignore Cacciaguerra à San Girolamo est un cercle de femmes pseudo -mystiques, un peu hystériques. Mais l’intérêt qu’y trouve Philippe est que cet original prône la communion quotidienne, fait rarissime à l’époque !

Le deuxième, Persiano Rosa, aussi prêtre à San Girolame, deviendra son confesseur.

Avec Persiano Rosa, Philippe fondera une autre confrérie, la confrérie de la Sainte Trinité, pour les pèlerins indigents et pour les convalescents. Car les hôpitaux surchargés ne pouvaient accueillir les convalescents …ni les pèlerins arrivant à Rome complètement sans le sou et devenant mendiants…

Au sein de cette confrérie, il introduira la dévotion de Quarante Heures : quarante heures d’Adoration, pratique née à Milan et qu’il contribuera à importer à Rome. Entre les heures d’Adoration, Philippe fait de petites exhortations…

Des bénédictins du Mont Cassin, il a appris l’importance de suivre les conseils de son confesseur, qui faisait office d’accompagnateur spirituel en même temps…

Et un beau jour, Persiano Rosa lui dit qu’il est temps qu’il devienne prêtre ! Il n’y avait même pas pensé, dans son humilité, il s’en sentait indigne… Persiano doit le convaincre en lui exposant tout le bien qu’il pourra faire aux âmes par le ministère de la confession…

Cet argument le convainc et il est rapidement ordonné. Nous sommes en 1551, il a donc 36 ans…

Philippe prêtre à San Girolamo

Il sera aussi prêtre à San Girolamo. Il déménage alors de sa chambrette chez le douanier pour le couvent de San Girolamo. Il aimera beaucoup sa chambre à San Girolamo, il y restera 32 ans. Et il faudra un ordre exprès du Pape pour l’en déloger et pour qu’il rejoigne sa communauté à la Vallicella.

Le style de vie à San Girolamo lui convient très bien car très libre. Il a toujours été très libre, assez individualiste. Il a pourtant été touché par les dominicains à Florence, par les bénédictins au Mont Cassin, par Saint Ignace et saint François-Xavier qu’il a côtoyés à Rome et qu’il teindra en haute estime…Mais il ne rentre dans aucune « case » …il est épris de liberté mais c’est pour mieux se laisser conduire par l’Esprit-Saint.

Jamais il ne prendra une quelconque décision sans être sûr que ça vienne de l’Esprit-saint. Ce qui a passablement énervé ses proches plus tard, quand il était responsable d’une communauté plus importante…On le trouvait indécis…mais il attendait toujours d’être sûr d’être guidé par l’Esprit-Saint…

Une fois prêtre, sa vie change évidemment. Finies les errances dans la ville…  Après avoir eu tout d’abord une période d’appréhension à célébrer l’eucharistie, par crainte de ses « palpitations » qui lui faisaient quasiment renverser le calice s’il ne se tenait pas, il célèbrera l’eucharistie quotidienne, qui deviendra le centre de sa journée. A l’époque, il était rare de célébrer tous les jours… c’était mal vu, c’était pour les prêtres pauvres qui faisaient ça par intérêt…les prélats ne célébraient qu’une fois ou deux par an ! Il choisit de célébrer à midi, la dernière messe de la journée, où il y a normalement moins de monde. Car il avait peur de se donner en spectacle lors de ses extases qui pouvaient le prendre en pleine messe…il utilisait alors des tas de trucs pour essayer de se « distraire » pour ne pas tomber en extase : son chien qui était censé le retenir par le pied en cas de lévitation, son chat sur l’autel, jouer avec ses clés…

Toute la matinée, depuis parfois avant l’aube, il confesse. Parfois encore l’après-midi et même de nuit, il laissait la clé sous le paillasson pour qu’on puisse l’appeler au besoin en pleine nuit.

Il y a vite foule qui vient se confesser chez lui.

Les gens sont attirés par sa bonté, sa patience. Les confesseurs à l’époque étaient souvent sévères, menaçaient vite de l’enfer et donnaient des pénitences très dures.

Il a une très grande compassion pour les pécheurs. Il donne toujours l’impression d’être comme eux, comme s’il était prêt à faire les mêmes péchés…

Il privilégie les pénitences humaines, vraiment instructives et avec beaucoup d’humour.

De nombreuses anecdotes sont connues à ce sujet. La plus célèbre est celle de la pénitente qui s’accusait systématiquement de médisance. Philippe lui donne comme pénitence de plumer une poule à travers les rues de la ville. Puis une fois que c’est fait, il lui dit d’aller récupérer les plumes envolées…Pour lui apprendre les dégâts irréparables des médisances…

Un autre est celle d’un jeune homme très riche et bien habillé à qui il ordonne d’aller s’assoir vêtu de ses plus beaux vêtements, au milieu des mendiants en guenilles…

Les pénitences peuvent aussi être de faire des aumônes, ou d’« exagérer » dans la douceur et la patience…

Il montre toujours un visage joyeux et rayonnant. Il déteste la mélancolie et aide ses pénitents à la combattre. Il entretient de relations très privilégiées avec ses pénitents. C’est un accompagnement spirituel très suivi car il conseille à ses pénitents de venir tous les jours ! En tout cas, dès la « rechute ».

Il constate que chez les jeunes, les rechutes osnt fréquentes car il y a beaucoup d’occasions de se perdre, et beaucoup d’oisiveté. Il commence alors à réunir quelques-uns de ses jeunes pénitents l’après-midi pour un temps de causerie spirituelle… Avec eux, il fait aussi ce qu’il faisait jadis : le tour des basiliques de Rome.

Il se laisse donc conduire par l’Esprit-Saint et n’a pas de plans de fondation en tête. Il a l’air de toujours « improviser ».

Débuts de l’Oratoire

Après les réunions informelles avec 7-8 jeunes dans a chambre, les réunions rassemblent de plus en plus de personnes. Il faudra se réunir dans une grande pièce sous les toits de San Girolamo. Ce grenier sera appelé « Oratoire », car la prière est au centre de ces réunions.

Il parle peu lui-même, mais préfère laisser parler les jeunes. Chacun prépare une petite intervention à tour de rôle. On commente surtout l’évangile de saint Jean.  Cela ressemble à des « partages d’évangile » comme on dirait aujourd’hui. Mais c’est nouveau à l’époque, où les laïcs ne commentaient pas l’évangile, du moins pas dans l’église catholique.

 Il aime dire que ces partages sont « en esprit, vérité et simplicité de cœur ». On commente aussi les Pères du désert, qu’il aime beaucoup. Jean Cassien surtout a sa préférence.

Il y a aussi des exposés sur l’histoire de l’Eglise et sur la vie des saints. Après la causerie, il y a éventuellement la balade dans Rome et puis le soir, pour les plus motivés, on termine avec une heure de prière silencieuse, où l’exemple de Philippe en prière les édifie sans paroles…

Les gens qui fréquentent ces réunions sont très divers : des gens simples et analphabètes, artisans, aussi bien que des érudits, des nobles, des artistes… Justement, comme les réunions sont fréquentées par des musiciens et chanteurs de la chapelle pontificale, le chant fait bientôt partie de la réunion. On met en musique notamment les « Laudi » poèmes religieux en langue italienne, que Philippe connaissait dans sa jeunesse à Florence. Peu à peu cela donnera même naissance à un style musical : l’oratorio …

Quelques-uns des participants à ces réunions deviendront vraiment proches de Philippe et contribueront à fonder la congrégation de l’Oratoire…ce que Philippe n’a jamais cherché à faire. On peut surtout retenir deux noms : Francesco-Maria Tarugi et Cesare Baronius ou Baronio. Ils sont très différents l’un de l’autre mais seront tous deux de fidèles compagnons.

Tarugi, neveu de deux papes, est intelligent, brillant, mondain, de compagnie agréable et se liant facilement. Il se convertit un jour en se confessant à Philippe et depuis ce jour ne veut plus le quitter ! Il deviendra prêtre 15 ans plus tard et un des plus brillant orateurs de l’Oratoire. Mais son défaut principal est la vanité et l’orgueil…Aussi Philippe lui trouve, avec son humour habituel, des tâches devant lui apprendre l’humilité, comme porter dans ses bras à travers tout Rome un petit chien qui s’est attaché à eux, ridicule avec son gros ruban rose…

Il deviendra ensuite archevêque d’Avignon puis de Sienne et enfin Cardinal… Il s’appelle lui-même le « fils très désobéissant » de Philippe…Car il a tendance à ruer dans les brancards. Il fondera ainsi l’Oratoire à Naples, contre l’avis de Philippe.

Baronius, lui, est plutôt lourdaud et rustique. Très droit et fidèle. Généreux et ferme. Un roc où s’appuyer. Mais il aime beaucoup trop prêcher sur l’enfer et des thèmes lugubres. Philippe le lui interdit donc et lui ordonne de parler de l’histoire de l’Eglise, lors de leurs réunions. Il prendra cette tâche tellement aux sérieux qu’il deviendra un de plus grands historiens de l’Eglise, avec ses « Annales ecclésiastiques », une œuvre majeure en 37 volumes qui lui aura pris 30 ans de sa vie.

Lui aussi bénéficiera des « leçons » si particulières de Philippe, pour lui apprendre l’humilité, l’obéissance, et aussi le sortir de sa réserve, de sa timidité. Il est envoyé une fois par Philippe chez un marchand de vin. Il doit goûter de tous les vins de la boutique, pour finalement n’acheter qu’une demi-bouteille et payer en demandant la monnaie sur une pièce d’or ! Il doit alors encourir les foudres du marchand ! Ou alors, Philippe lui demande d’entonner un Miserere en plein mariage…

Une autre fois, mais cette fois ce ne sera pas une plaisanterie, alors que Baronius revient fatigué de l’hôpital où il a soigné pendant des heures des malades et mourants, Philippe lui ordonne d’y retourner aussitôt. Il proteste en disant que tout est calme maintenant là-bas. Philippe insiste et demande son obéissance. Il y va et tombe sur un mourant qui réclamait l’extrême-onction…Il ne désobéira plus jamais à Philippe…

Philippe lui-même trouve encore le temps d’aller visiter des malades, des mourants, des femmes en couche. On l’appelle partout car avec lui, les agonisants meurent en paix, les accouchements difficiles se déroulent bien, il commence à y avoir des guérisons miraculeuses… et même l’une ou l’autre fois des résurrections.

La plus célèbre est celle d’un jeune garçon de l’illustre famille Massimi, qu’il fait revenir à la vie mais lui demande ce qu’il préfère. Le jeune garçon préfère mourir…  Il meurt alors mais dans une grande paix…

Philippe aide aussi beaucoup de personnes dans le besoin. Aucune situation ne lui est indifférente. Il aide parfois très discrètement, pour ne pas humilier les pauvres. Par exemple, pour aider un horloger sur le point de faire faillite, au lieu de donner de l’argent, il demande à tous son entourage d’aller lui acheter une montre… Il fournit des dots à des filles à marier qui ne trouve pas à se marier faute de dot… Bref, il ne s’intéresse pas qu’aux grands miséreux mais à toutes sortes de détresse…Il n’y a pas de situation qui échappe à sa compassion…

Il plaide aussi pour des causes injustes, comme des Tziganes qui avaient été condamnés injustement aux galères. Il se démène pour leur obtenir justice.

Mais c’est dans le ministère de la confession que se manifeste le plus sa compassion et qu’il se passe les plus grands miracles.

Il reçoit le don de lecture dans les cœurs. Au point que des jeunes gens qui sont ses pénitents, n’osent plus pécher, même loin du regard de Philippe car ils se disent : « le Père le saura… »

Il aide les gens qui n’osent pas avouer leurs péchés en les leur disant à leur place…

Il a un don pour consoler des angoisses et inquiétudes spirituelles. Il serre le pénitent sur sa poitrine, sur son cœur brûlant, et la paix est immédiate pour le pénitent.

Epreuves

Il y a aussi eu des épreuves dans la vie de Saint Philippe.

Il a connu le pontificat de onze papes. Et tous ne lui ont pas été favorables !

Paul IV par exemple se méfie de lui. Ses sympathies pour Savonarole, ses réunions de prière où des laïcs prêchent comme chez les protestants, les chants des « Laudi » en langue vulgaire, les pèlerinages aux 7 églises qui drainent de foules de plus en plus importantes, ce qui crée pas mal de désordre  : tout cela est très suspect et il est interrogé de nombreuses fois l’Inquisition.

On l’accuse d’être le dirigeant d’une secte. Il est suspendu de ministère. Il ne peut plus confesser ni tenir les réunions de l’Oratoire, ni les pèlerinages.

Il se soumet, et obéit humblement. Il dit que cette persécution est pour lui apprendre l’humilité et qu’elle cessera quand elle aura porté ses fruits !

Il prie et organise à nouveau les 40 Heures d’Adoration. Peu de temps après le Cardinal qui l’a suspendu meurt. Et il est rétabli dans ses fonctions.

Mais ensuite le Pape Pie V, (alors même qu’il sera canonisé, lui aussi) suspecte aussi Philippe et veut ordonner la fermeture de l’Oratoire. Philippe ne s’en inquiète nullement et continue à faire le pitre alors qu’on envoie des hauts personnages écouter ses sermons pour voir si c’est condamnable : il leur lit son livre de blagues…

Mais d’autres émissaires sont touchés quand même par ses sermons…

Finalement le Cardinal Charles Borromée (aussi futur saint) obtiendra que l’on puisse maintenir l’Oratoire.

San Giovanni dei Fiorentini

Ils sont maintenant plusieurs prêtres à faire partie de l’Oratoire. Le nom d’Oratoire, initialement donné au grenier de San Girolamo où les réunions de prière se tenaient, qualifie maintenant leur « mouvement ». On leur attribue alors une église, l’église San Giovanni dei Fiorentini (Saint Jean des Florentins) Philippe seul reste dans sa chambre à San Girolamo.

Les autres prêtres font jusqu’à trois fois par jour l’aller-retour entre San Giovanni où ils logent et San Girolamo où ils continuent leur ministère… En 1574, ils ne peuvent plus rester à San Girolamo.

Philippe réalise qu’ils dépendent toujours de quelqu’un : à San Girolamo de la confrérie de la Charité, à San Giovanni, des Florentins… Il se dit que ce serait bien d’avoir une église et un endroit propres pour leur œuvre de l’Oratoire, de plus en plus importante.

La congrégation et la Chiesa Nuova

En 1575, sous le pontificat de Grégoire XIII, qui est un ami de Philippe, l’Oratoire est érigé canoniquement en congrégation. C’est une congrégation de prêtres. L’Oratoire reçoit alors l’église Santa Maria della Vallicella, comme église vraiment dédiée à leur congrégation. L’église est complètement en ruine, mais la localisation est bonne, au centre de la ville.

Il faut carrément tout raser et reconstruire une nouvelle église. Ce sera une gigantesque entreprise, la construction de la Chiesa Nuova prendra de nombreuses années. Elle ne sera totalement achevée qu’en 1606, bien après la mort de Philippe.

La nouvelle congrégation attire beaucoup de vocations. Philippe reste encore six ans seul à San Girolamo. Il n’a jamais rejoint les autres prêtres à San Giovanni. Finalement, il déménage à la Chiesa Nuova, sur ordre du pape… Mais il trouve le moyen d’encore faire de son déménagement une facétie : chacun doit porter un petit objet, une cuiller, un ustensile à la fois, en procession à travers tout Rome !

Il s’installe sous les toits avec une belle vue sur le Tibre et sur la ville. Sa chambre est surmontée une loggia extérieure où il aime se tenir, même par temps glacial, étant donné son problème de chaleur continuelle.

Il se retire alors de plus en plus dans la solitude et mène une vie intérieure très intense. Pour dissimuler sa vie mystique, il continue cependant ses clowneries et espiègleries, comme se promener avec un balai qu’il respire comme si c’était un bouquet de fleurs, mettre exprès ses vêtements à l’envers ou un chapeau de fourrure en plein été, se raser la barbe d’un seul côté… Ou encore, il tire la barbe des gardes pontificaux, sautille dans les églises comme un enfant… Tout cela pour qu’on le traite de « vieux fou » et non pas de saint…car sa réputation de sainteté le précède partout. Il n’aime pas qu’on vienne pour voir « le saint »…alors il donne le change… Devant des princes polonais venus spécialement, il fait lire son livre des facéties d’Arlotto par ses disciples comme si c’était là toute la doctrine qu’il enseignait, et en commentant : c’est un très bon livre !

Ses disciples veulent d’autres fondations. Lui, il freine toujours car il n’est pas sûr que cela vienne de l’Esprit-Saint. Tarugi va lui désobéir en fondant l’Oratoire à Naples malgré son désaccord.

Ses dernières années

Ses dernières années : après une asphyxie avec un poêle à charbon en 1586, sa santé devient de plus en plus précaire. Il est une véritable « momie » avec la peau sur les os. Il mange toujours très peu et transpire beaucoup, à cause de ce feu qui ne cesse de le brûler. Il aspire à la solitude, au repos mais il se donne quand même encore sans compter pour les confessions. Mais il ne prêche plus, et on refait des petites réunions d’Oratoire dans sa chambre, comme au tout début. Les dernières années, il perd quasiment l’usage de la parole. Il ne peut s’empêcher de pleurer et de perdre ses moyens dès qu’il veut parler de Dieu.

En 1590, il a un nouveau disciple qui sera son confident des dernières années : Consolini. C’est un jeune médecin. Il sera le maître des novices. C’est à lui que Philippe confiera son expérience de la Pentecôte 1544. Il a toujours été très discret sur sa vie spirituelle. Il disait toujours « secretum meum mihi » … mon secret est à moi…

Un autre de ses proches disciples, Antonio Gallonio, reçoit aussi des confidences. Il sera d’ailleurs son premier biographe.

Il sera également proche des papes Grégoire XIV et Clément VIII. Il évite de justesse d’être nommé Cardinal en s’enfuyant… Il a une grande amitié pour plusieurs cardinaux, qui viennent se confesser chez lui, dans sa chambre. Mais il descend parfois encore en ville pour confesser les personnes âgées. Il est très faible mais continue à sortir parfois visiter des malades et des pauvres.

Il se retire de plus en plus et finalement ne célèbre plus la messe qu’en privé, dans une chapelle attenant à sa chambre. Lors de sa messe, le servant d’autel, unique assistant, le quitte aux mots « je ne suis pas digne de te recevoir »…Il ferme les volets, éteint tout sauf une veilleuse et quitte la chapelle. Il revient 2 ou 3 heures plus tard. Philippe est épuisé, semble presque mort…Il a mis deux heures à boire le Calice du Sang du Christ, par petites gorgées…

Il prie toujours la nuit car il ne veut pas qu’on le voie prier. Parfois toute la nuit…

Consolini témoignera aussi qu’il prie sans cesse l’Esprit-Saint, en chantant à mi-voix.  Et que ses prières se terminent souvent par ces mots :  « obéissance-humilité-détachement »

En 1592, il est gravement malade, on le croit perdu. Mais il guérit miraculeusement par une vision de la Vierge, qui a eu des témoins, pour une fois. Il désigne déjà Baronius pour lui succéder à la tête de la Congrégation. Baronius veut qu’il y ait une élection. Mais l’élection par ses pairs le confirmera comme successeur de Philippe. Sa santé se maintient jusqu’en 1594. En 1595, il est pris de violentes fièvres, avec des hauts et des bas. Il reçoit l’Extrême-Onction le 12 mai parce qu’on le croit mourant mais quand il voit le viatique arriver il s’écrie « donnez-le moi, donnez-le moi vite ! mon Amour-mon Amour ! » et il est à nouveau mieux. Le 25 mai, fête du saint sacrement, il célèbre même la messe, il confesse et a l’air tout à fait bien mais lui sait qu’il va mourir ; il l’annonce mais on ne le croit pas… Au milieu de la nuit, il appelle en tapant avec sa canne sur le plancher, « Je m’en vais »…  Tout le monde arrive et il peut encore bénir les siens du regard…

Le culte de saint Philippe est immédiat…Il sera canonisé assez vite, en 1622, en même temps que saint Ignace de Loyola, sainte Thérèse d’Avila, saint François-Xavier et saint Isidore le Laboureur… Ce qui fera dire au peuple de Rome : « aujourd’hui, on a canonisé quatre espagnols et un saint ! »

Sa fête liturgique est le 26 mai, date de son entrée au Ciel…